BILAN CAFÉ-DÉBAT #9 « LE JEU VIDÉO ET LE CINÉMA SONT-ILS EN TRAIN DE S’ÉLOIGNER »

 

Le dernier mercredi d’avril, les rapports entre jeu vidéo et cinéma étaient à l’honneur lors du café-débat au Since 42.

 

C’est donc naturellement du côté de l’adaptation que les premiers échanges se sont orientés. Il fut question des jeux vidéo comme produits dérivés de licences à succès, façon Seigneur des Anneaux, Harry Potter ou Star Wars. Si l’objectif commercial de ces jeux n’échappe à personne, il n’est pas toujours évident de deviner quelle est leur cible : les joueurs, les enfants ou les parents ? Sans doute un peu des trois.

En plus d’une multitude d’histoires transposables, les jeux vidéo ont trouvé dans les films une inépuisable source d’inspiration visuelle. Très tôt dans leur histoire, ils se sont appropriés les codes du cinéma. Le genre de l’horreur y semble particulièrement propice, comme en témoignent les séries Silent Hill ou Resident Evil.

Côté cinéma, on emprunte également des procédés que l’on s’attendrait plutôt à trouver dans les jeux. C’est le cas d’un film comme Hardcore Henry, dont le montage reprend la caméra subjective, la violence et le rythme effréné des FPS.

Est-ce à dire que le jeu placerait le joueur dans le costume d’un monteur frénétique, découpant son propre film dans la bobine du gameplay ? La question est complexe, compliquée même, tant elle renvoie aux aspects techniques de ces modes d’expression. Chacun possède un langage propre, une structure unique qu’il s’agit d’identifier pour comprendre ce qui « fait cinéma » et ce qui « fait jeu. » C’est sans doute que derrière les images, les intentions des créateurs ne sont pas les mêmes.

Que dire, par exemple, du « C’était un rendez-vous » de Claude lelouch, réalisé en 1976 ? Ce plan séquence de 8 minutes place le spectateur au niveau du pare-choc d’un véhicule lancé à toute allure dans les rues de Paris. Une image, saisissante pour l’époque, devenue banale depuis plusieurs générations de joueurs. C’est que le statut de l’image dans les jeux vidéo n’est pas le même qu’au cinéma.

Reste que chacun à sa manière joue de la composition et du rythme, du mouvement et du temps. Un art comme la bande-dessinée n’est-il pas avant tout un art de l’ellipse, laissant au lecteur le soin de combler les blancs entre les cases ? C’est que le jeu vidéo place le joueur dans un rapport particulier à l’image générée par ordinateur. Le cinéma ne s’est d’ailleurs pas privé d’en parler, avec des films comme Matrix. Certaines pratiques questionnent d’ailleurs les limites des genres. Citons le speedrun, le streaming ou les machinimas, qui complexifient encore le débat.

Mais les passerelles existent. Au-delà de l’image, difficile de ne pas voir le système de checkpoint d’un jeu vidéo dans la structure d’Edge of Tomorrow, un film d’action où Tom Cruise revit en boucle la même séquence s’achevant sur sa propre mort.

 

Il y aurait eu beaucoup d’autres références à citer, des remarques qui ont précisées ou repoussées les limites du débat de ce mercredi. Mais au final, ce qui fait la différence entre le cinéma et le jeu vidéo, c’est peut-être la place qu’ils laissent au hasard.